14 septembre 2017

COOPERATION TECHNIQUE BRESIL – LES ENJEUX DES RECETTES NON-TARIFAIRES DANS LES TRANSPORTS URBAINS DE SAO PAULO

Cet
atelier s’inscrit dans le cadre de la coopération technique animée par CODATU au Brésil. L’Agence Française de Développement (AFD) et le Gouvernement de l’Etat de São Paulo ont signé en avril 2016 un accord de coopération technique visant à accompagner le Secrétariat aux Transports Métropolitains dans la mise en œuvre des différents projets de mobilité urbaine, et dans l’amélioration des systèmes de transport public dans les métropoles paulistas. CODATU et CEREMA sont les partenaires techniques dans cette coopération.

A travers le monde, les recettes liées à l’exploitation d’un système de transport urbain prennent différentes formes. Dans la grande majorité des cas, les recettes tarifaires ne sont pas suffisantes pour couvrir les coûts de fonctionnement d’un système de transport urbain, quel que soit le mode (métro lourd, tramway, BHNS, bus commun). Les autorités responsables du transport urbain ont donc recours à d’autres sources de revenu afin d’assurer la viabilité du système. Au-delà des recettes tarifaires, le fonctionnement d’un système est souvent dépendant de subventions publiques, de contributions des entreprises privées et de services/produits complémentaires.

Au sein du Secrétariat des Transports Métropolitains (STM) de l’Etat de São Paulo (ESP), la question des recettes non-tarifaires est traitée de façon prioritaire, estimant que ces recettes représentent un énorme potentiel non exploité jusqu’à présent dans les systèmes de transport. L’augmentation des recettes non-tarifaires permettrait de soulager les budgets publics, de financer de nouveaux services et de faire de nouveaux investissements.

En effet, le METRÔ (Compagnie du Métropolitain de São Paulo) est considéré comme « auto-suffisant », les coûts d’opération et de maintenance étant couverts par les recettes commerciales. Par contre, la CPTM (Compagnie Paulista de Trains Métropolitains) est « dépendante » de l’État de São Paulo car ses recettes tarifaires ne sont pas suffisantes pour couvrir les coûts d’exploitation et de maintenance.

Dans ce contexte, les 24 et 25 juillet 2017 s’est tenu le premier atelier de la Coopération Technique autour de l’analyse des enjeux de la transformation des stations et de l’implantation des nouveaux services sources de recettes non-tarifaires dans les transports urbains.

Les présentations ont été assurées par Andreas Heym, Directeur Maroc & Développement International chez AREP, Etienne Lhomet, responsable technique de la coopération, et Bruno Almeida Maximino, chargé de coopération.

L’état de l’art dans la Région Métropolitaine de São Paulo

Dans la première session, les entreprises publiques sous tutelle du STM ont présenté leurs expériences en termes de recettes non-tarifaires. Les principales sources exposées regroupent (i) les centres commerciaux couplés aux stations, (ii) le développement immobilier, (iii) des commerces dans les stations, (iv) de la publicité et (v) des parkings. Les résultats sont hétérogènes.

D’une part, le METRÔ prévoit plus de R$ 230 M (soit 64 M d’euros) de recettes non-tarifaires en 2017. Le développement immobilier est responsable du plus grand apport d’argent, soit environ 40% du total, suivi de la publicité. D’autre part, la CPTM prévoit seulement R$ 20 M (soit 5,5 M d’euros) de revenus non-tarifaires, dont plus de 50% provenant de la publicité. Les recettes non-tarifaires reviennent à 5% des recettes tarifaires.

Dans le cas de l’EMTU (Entreprise Métropolitaine de Transport Urbain), les recettes non-tarifaires (R$ 8 M, soit 2,2 M d’euros) représenteraient entre 5 et 8% des recettes totales en 2017. La principale source de recettes complémentaires. est l’exploitation commerciale des terminaux de bus. Pour l’EFCJ (Chemin de Fer Campos do Jordão), 29% des recettes totales étaient issues d’activités complémentaires en 2016.

Les gares et les stations : des leviers pour la ville

Ensuite, la première journée a été consacrée à la présentation du concept des stations et des gares françaises. Le principal message porté par Andreas Heym s’appuie sur le fait que les stations et les gares peuvent être des vrais leviers pour la dynamisation économique d’un quartier et d’une ville. Les stations peuvent voir leur attractivité augmentée, en réorganisant les flux d’usagers, en augmentant la gamme de services et, par conséquent, les recettes non-tarifaires de l’exploitant.

Les exemples présentés ont mis en évidence (i) que seule la bonne articulation entre tous les bénéficiaires permettrait le succès d’un projet de grande envergure, et (ii), qu’un projet de rénovation d’une gare, lié à un projet de réaménagement urbain, peut maximiser les résultats pour les actionnaires et pour la société.

Les Brésiliens ont interpellé AREP sur la durée de mise en œuvre d’un tel projet. Andreas Heym a expliqué que la durée totale est souvent supérieure à 10 ans, et va donc au-delà du cycle politique.

Les participants brésiliens ont signalé les principales difficultés rencontrées dans la mise en place des projets d’une telle ampleur. Une législation très contraignante bloquerait l’intervention sur des espaces publics et sur le patrimoine historique. De plus, aujourd’hui l’organisation institutionnelle des transports urbains serait un frein à la réalisation de ce type de projet. La restriction budgétaire a également été évoquée.

Un éventail de « produits » existants

La deuxième matinée, plusieurs services existants dans les réseaux de transport urbain en France et dans le monde ont été présentés.

D’abord, les enjeux des « naming rights » des stations, de la publicité dans les véhicules et dans les stations, et de l’utilisation de la fibre optique par les opérateurs de transport ont été discutés. En outre, ont été présentés d’autres exemples de systèmes utilisant des panneaux photovoltaïques pour la génération d’énergie propre au sein d’un système de transport, des réseaux de téléphonie dans les tunnels et des applications mobiles des opérateurs de transport.

De plus, une comparaison entre les systèmes de financement de transport par les entreprises a été réalisée. Au Brésil, les employés bénéficient de l’aide au transport « Vale Transporte », par laquelle les entreprises doivent payer l’intégralité du titre de transport à leurs employés sur le trajet domicile-travail. En France, les entreprises de plus de 11 employés participent au financement du transport urbain par le biais (i) du versement transport, une taxe sur la masse salariale de l’entreprise, et (ii) du remboursement de la moitié de la carte de transport de leurs employés.

Une des différences majeures entre les deux systèmes, évoquée par une participante, repose sur le fait qu’au Brésil une entreprise ne finance le transport urbain que si ses employés utilisent le transport pour se rendre au travail. En revanche, en France, puisque le versement transport est un impôt, une entreprise contribuera au financement du transport urbain même si aucun employé emprunte le transport en commun pour se déplacer au travail.

Repenser la station « Palmeiras-Barra Funda »

Lors de la dernière session, les participants ont travaillé en groupes pour identifier les enjeux et les opportunités de création de nouveaux services, et d’amélioration des services existants. La station « Palmeiras-Barra Funda » est l’une des plus importantes du réseau métropolitain, desservie par une ligne de métro et par deux lignes de train de banlieue, et comptant encore un terminal de bus municipal et une gare routière longue distance. Plus de 400 000 usagers y circulent tous les jours.

Sur la base du plan de la station, cinq groupes ont identifié les points forts et les points à améliorer de la station, en prenant le point de vue de l’usager. Ont été repérés divers éléments à améliorer : la communication visuelle, les accès piétons, la circulation des flux dans la station, la qualité des produits vendus par les commerces, et la valorisation de certains espaces sous-utilisés. Quelques points positifs cités sont : l’intermodalité existante, le voisinage (universités, centre culturel, boîtes de nuit, parc) et la grande mezzanine qui relie les différents modes de transports.

Dans un deuxième temps, les participants ont été invités à rêver de la station idéale. Des suggestions pour l’amélioration de l’espace sont apparues, telle que la réorganisation des accès piétons, la réorganisation des flux usagers sur la mezzanine, des espaces éclairés par la lumière naturelle. Mais aussi plusieurs services, dont entre autres : une bibliothèque, des instituts de beauté, une salle de sport, des nouveaux commerces, supermarchés, un hôtel, des bureaux, un héliport, des restaurants, des panneaux photovoltaïques.

Finalement, les participants ont été ramenés à la réalité et ont été incités à penser à un plan de travail, indiquant les premières actions à entreprendre, les potentiels partenaires à contacter et les difficultés à surmonter pour l’implantation de leurs projets. Les participants ont signalé comme difficulté la conciliation des intérêts des tous les acteurs, les expropriations nécessaires, les licences environnementales et, surtout, l’importance d’une réalisation des travaux qui soit concomitante à l’opération de transport afin de minimiser l’impact pour les usagers.

Dans une synthèse globale, on pourrait souligner, pour les cinq groupes multidisciplinaires :

  • La volonté commune d’unifier les espaces et de créer une identité unique pour la station, tout en offrant des services variés pour répondre aux besoins des usagers.
  • Une station qui soit une destination et pas uniquement un point de passage.
  • Une station plus grande, plus verte, mieux éclairée, c’est-à-dire, une ambiance agréable.
  • Une station sans barrières, produit d’une vision complète pensée pour et par les usagers.