25 juillet 2023

Appui à l’entreprise publique de transport de Luanda (Angola)

En mai 2022, l’AFD, CODATU et le Ministère des Transports Angolais (MinTrans) signent un accord de coopération visant à soutenir le Mintrans dans le développement d’un système de mobilité urbaine efficace, intégré et durable pour sa capitale Luanda ainsi que pour les villes secondaires du pays. Cet accord de coopération met à disposition du MinTrans un Fond d’Expertise Technique et d’Echanges d’Expériences (FEXTE) d’un montant d’un million d’euros sur une période de trois ans, durant laquelle sont mises en place des activités de renforcement des capacités du MinTrans et d’autres acteurs angolais du secteur des transports, des échanges d’expériences avec des villes françaises et africaines, des diagnostics et des études, et divers appuis.

L’explosion démographique qu’a connu Luanda depuis une cinquantaine d’années, conduit à une augmentation significative des véhicules motorisés, à une dégradation du réseau de voirie, à des taux élevés de pollution, et surtout, à l’absence d’un système de transport collectif de grande capacité, capable de répondre à la demande de transport[1]. Selon une étude du TUT-POL (Université de Harvard)[2], la demande de transport dans la ville atteint 2,8 millions de trajets par jour, et les services de transport public disponibles peinent à répondre à cette demande[3].

Conscient de la défaillance du système de mobilité urbaine qui perturbe le quotidien des 9 millions d’habitants de la zone métropolitaine de la capitale, le Ministère des Transports a reconnu l’expertise française dans le domaine des transports urbains, et sollicite dans le cadre de cette coopération une attention particulière à l’amélioration des performances de l’entreprise publique de transport collectif de Luanda, la TCUL (Transporte Colectivo Urbano de Luanda).

Malgré le soutien privilégié que la TCUL reçoit de la part de l’Etat angolais, notamment pour l’acquisition de flotte de bus à couts réduits, et certaines subventions sur des coûts opérationnels[4], la réalité demeure que la structure financière de l’entreprise est déséquilibrée et que les habitants de la capitale souffrent quotidiennement du manque d’offre de service de transport collectif. Plusieurs des handicaps auxquels fait face la TCUL peuvent être attribués à des facteurs  structurels externes non négligeables entravant le bon fonctionnement de l’opérateur public : l’état des voiries limite l’étendue du réseau d’opération de la TCUL qui doit se cantonner aux principaux axes, l’opérateur souffre également de l’absence d’une approche métropolitaine de la planification du transport et du manque de mécanismes de coordination institutionnelle, notamment entre le Ministère des Transports et les Ministères de l’urbanisme et des infrastructures.

A l’issu de la première mission de diagnostic de la TCUL en novembre 2022, et au vu de l’identification du projet de restructuration de l’entreprise publique comme axe prioritaire de l’accord de coopération technique par le Ministère des Transports, CODATU met à disposition des équipes de la TCUL un consultant dédié de ADE Transports, qui accompagne les équipes dans le but d’améliorer leurs performances dans la gestion générale de l’entreprise. L’appui technique a débuté en janvier 2023 et se concentre sur la mise en place d’un certain nombre de « quick wins » dans plusieurs services de l’entreprise. Cette approche permet d’instaurer des actions à gains rapides en agissant sur les ressources internes de la TCUL, elle se réalise en mobilisant peu de budget, et surtout, elle met l’accent sur l’obtention de résultats clairs et rapidement tangibles. Le conseil administratif de la TCUL ainsi que les chefs des différents services se réunissent toutes les 2 semaines avec le consultant afin d’avancer sur la trentaine de quick wins identifiés lors de la phase de diagnostic. Cette approche pluridisciplinaire vise l’amélioration d’indicateurs clefs de performance : suivi et contrôle des opérations budgétaires pour une meilleure santé économique et financière ; gestion et traçabilité du personnel et de l’inventaire ; amélioration des procédures de travail des différents domaines, etc. Le consultant accompagne également la redéfinition d’itinéraires et de tables d’horaires, et d’autres informations qui amélioreraient l’expérience des usagers du réseau. Ces réunions de suivi avec le consultant permettent également aux équipes de la TCUL une meilleure communication entre les différents services et une meilleure compréhension des enjeux auxquels chacun fait face.

L’appui technique concerne aussi l’ajustement des ressources humaines tant sur le plan quantitatif (les effectifs), qualitatif (les compétences) et organisationnel. Des plans de formation sont proposés sur la conduite préventive (car le taux de sinistralité est élevé), l’entretien des véhicules et la mise en œuvre de la billettique intégrée.

La mise en place d’un système de billettique intégrée est un des projets phares du Ministère des Transports qu’il développe à travers la ENBI (Empresa Nacional de Bilhetica Integrada). CODATU appuie les équipes de la TCUL dans leur préparation à l’arrivée de cette technologie. La gestion centralisée et la transition vers une mobilité intelligente pourrait améliorer considérablement le contrôle, la transparence, l’efficacité et la vitesse des opérations. Or, la mise en place d’un système de Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), qui représente une réelle rupture avec le système actuel ancré dans les habitudes des opérateurs et usagers, peut également bouleverser les interactions entre les différents acteurs de ce système. Le consultant accompagne ainsi la mise en place de ce processus d’innovation complexe de manière évolutive.

Enfin, l’enjeu de la maintenance des véhicules fut identifié comme un axe prioritaire de cette assistance technique à la TCUL. Ce volet bénéficie d’un diagnostic et d’un appui dédié, avec un spécialiste de la maintenance des véhicules mobilisé pour appuyer cet aspect. Ce dernier observe dans son diagnostic que la flotte de la TCUL est plutôt récente, or, l’entreprise présente un taux d’immobilisation des véhicules élevé, la durée de vie des bus de la TCUL est bien plus faible qu’elle ne devrait l’être. La raison de ce phénomène est que les bus ne sont pas exploités de manière pérenne : l’histoire des transports publics à Luanda est marquée par la fluctuation régulière du nombre de bus en fonction de la situation économique. En période de ralentissement économique, lorsqu’il n’y a pas d’offre de bus, seuls les candongueiros (minibus) et les taxis motos assurent le service de transport. En période de croissance économique, une nouvelle offre de bus se développe, et ceci, au détriment des précédents. Les investissements initiaux sont rapidement dégradés du fait de l’usure normale et d’une mauvaise maintenance.

Durant sa dernière mission à Luanda, le consultant s’est rapproché des huit autres opérateurs (privés) présents à Luanda afin de comparer leur fonctionnement et performance à ceux de la TCUL. Ce rapprochement a permis d’identifier les bonnes pratiques de ces opérateurs privés desquelles la TCUL pourrait s’inspirer, et d’établir un meilleur contact entre tous les opérateurs qui font souvent face aux mêmes problématiques. De plus, CODATU partage l’expérience de gestion d’autres sociétés de bus africaines pour servir de cas comparatifs et promouvoir les échanges Sud-Sud sur le continent où les contextes sont souvent similaires d’une ville à l’autre.

L’assistance technique auprès de la TCUL entre désormais dans sa phase de suivi et d’amélioration des résultats acquis durant la phase précédente. Cette nouvelle phase met l’accent sur le rôle des chefs de services qui doivent maîtriser les différents procédés afin d’assurer la pérennité des apprentissages au-delà de l’appui des consultants.


[1] L’explosion démographique est une des causes mais pas la seule, le manque d’infrastructures et la dégradation des voiries sont aussi des conséquences du conflit armé de 30 ans qu’a connu l’Angola.

[2] Luanda, Angola_Casenote_10.31.19 (harvard.edu)

[3]Cette offre est composée par la TCUL, huit autres opérateurs privés, ainsi que les modes informels de transports assurés principalement par les candongueiros et les mototaxis

[4] https://valoreconomico.co.ao/artigo/governo-pagou-49-7-milhoes-de-dolares-em-subvencoes-a-3-empresas-publicas