L’agglomération
sfaxienne (ou Grand Sfax) couvre un territoire comprenant sept municipalités (Sfax, Sakiet Eddayer, Sakiet Ezzit, Chihia, Gremda, El Aïn et Thyna). Elle est le second pôle économique de la Tunisie grâce à son activité industrielle et portuaire. L’agglomération s’étend sur une surface de 220 km² et comptait 522 670 habitants en 2010 dont un peu plus de la moitié habite la commune de Sfax.

Une expension urbaine incontrôlée

L’urbanisation incontrôlée des périphéries de la ville de Sfax a eu lieu principalement dans les années 1970 et 1980 à la suite d’un transfert de la charge démographique du centre vers la banlieue proche et éloignée qui a fait émerger de nouvelles polarités urbaines. La périurbanisation s’est faite par une densification progressive de la ceinture des vergers « Jenens » donnant lieu à une urbanisation discontinue (Bennasr, 2005).

Les documents d’urbanisme de l’époque n’ont pas su contenir cette expansion urbaine, qui a fait doubler la superficie de l’agglomération passant de 7 000 ha en 1970 à 15 000 ha en 1989. Bien que le Plan Directeur Urbain (PDU) de 1961, tout comme celui de 1977, élaboré par les pouvoirs centraux, visait à conserver les franges urbaines et à orienter le développement urbain plutôt vers le littoral, il manquait de moyens pour mettre en place cette stratégie et la politique du laisser-faire a facilement pris le dessus.

Ce n’est qu’en 1989 que l’Agence Foncière de l’Habitat (AFH) a décidé de mettre en place une stratégie de développement résidentiel maîtrisé. La création de trois Périmètres d’Intervention Foncière (PIF) sur une surface de 800 ha en zones péri-urbaines devait alors permettre de lutter contre la prolifération de l’habitat spontané. Mais les effets n’ont pas été ceux escomptés et la périurbanisation informelle a continué sur les franges non couvertes par le dispositif. Ainsi, entre 1994 et 2004 environ, 44 % des logements ont été construits sans autorisation sur les communes du Grand Sfax.

urbanisation rampante

Présentation de la Stratégie de Développement du Grand Sfax

Par ailleurs, le développement résidentiel a été accompagné par un dynamisme économique qui a fait de Sfax une ville industrielle affirmée dans le paysage tunisien avec un nombre d’employés dans le secteur passant de 15 000 à 50 000 entre 1969 et 2004.

Une nouvelle stratégie pour répondre à la dérive de l’étalement urbain

A partir de ces constats, en 2002 une nouvelle Stratégie pour le Développement de l’Agglomération du Grand Sfax (SDAGS) à horizon 2016 succède à celle de 1998. Elle y ajoute notamment une dimension participative basée sur une gouvernance métropolitaine plus adaptée à la nouvelle configuration territoriale et reconnaissant le citoyen comme un vrai acteur urbain. La SDAGS de 2002 a réussi à imposer le développement littoral souhaité par ses ancêtres (PDU 1961 et 1977) avec le lancement du Projet Taparura. Cette grande opération urbaine au nord-ouest de l’agglomération de Sfax a été lancée en 1985 avec la création de la Société d’Etudes et d’Aménagement des Côtes Nord de la Ville de Sfax mais sa réalisation n’a démarré qu’en 2006. Au-delà de la fonction résidentielle, il est prévu de développer sur une surface de 420 ha des activités commerciales, du tourisme de bord de mer, des espaces verts et des équipements culturels et publics. Le projet Taparura se veut exemplaire par sa démarche participative et environnementale dans la conception de l’aménagement de l’espace et des mobilités de proximité.

Malgré une périurbanisation importante et l’émergence de nouvelles polarités, l’agglomération de Sfax reste encore un système très monocentrique. La ville de Sfax concentre aujourd’hui 55 % de la population, la presque totalité de l’activité tertiaire et 80 % des établissements industriels et des services.

Mode sfaxLes enjeux en termes de déplacement sont donc importants et prennent beaucoup d’ampleur si on considère que dans les trente dernières années, caractérisées par un processus de métropolisation significatif, rien n’a pratiquement été fait dans le secteur du transport public. L’évolution des résultats des enquêtes ménages entre 1984 et 2012, illustrée dans le tableau, montre bien la montée en puissance de la voiture particulière et des taxis au détriment du TC et des deux roues.

Le réseau de transport en commun (bus), opéré à Sfax par la SORETRAS (entreprise publique sous tutelle ministérielle) et par des opérateurs privés, souffre d’une faiblesse structurelle et financière qui en limite la compétitivité. L’absence d’articulation entre développement urbain et système de mobilité a conduit à des stratégies de développement du réseau ne répondant pas aux besoins de la ville. L’étalement en éventail de l’agglomération, laisse place à beaucoup de zones interstitielles non couvertes par les lignes de transport collectif. Les louages représentent la seule offre de services interurbains. La voiture individuelle reste pratiquement l’unique choix possible, faisant du système de mobilité urbaine de Sfax un modèle socialement non durable.

Pourtant, le Plan Directeur du Transport du Grand Sfax de 1997 préconisait déjà le développement du transport de masse, tout comme la Loi 33-2004 prévoyait il y a 10 ans déjà la constitution d’Autorités Régionales Organisatrices du Transport Terrestre (AROTT). Malgré l’existence de lois et plans préconisant des solutions adaptées, le contexte tunisien souffre régulièrement d’une inertie dans leurs mises en œuvre et cela par manque d’impulsion politique ou par manque de moyens.

Après la révolution, de nouveaux projets moteur

image sfax

Une station de louage à Sfax

Les premières années post-révolution ont été particulièrement prolifiques pour Sfax. En effet, depuis 2010, la ville a entamé beaucoup d’actions dans le domaine du transport et de la mobilité urbaine. Guidée par un Directeur des Services Techniques très dynamique, la Municipalité de Sfax a conduit en 2013 les études préliminaires pour la mise en place d’un métro léger à Sfax, élaboré un Bilan carbone® avec l’appui de l’ADEME et lancé en 2015 l’élaboration d’un Plan des Déplacements Urbains (PDU) dans le cadre d’une démarche NAMA (Nationally Adapted Mitigation Action) afin de développer la réponse du Grand Sfax aux enjeux de changement climatique en matière de transport.

Enfin, la région de Sfax, accompagnée par le projet Euromed RRU (Route, rail et transport Urbain) et CODATU est la première région tunisienne à avoir entrepris la démarche de mise en place d’une AROTT opérationnelle à l’horizon 2016.