14 février 2017

[COMPTE RENDU] Mécanismes financiers au-delà des recettes tarifaires pour l’opération du métro et des trains urbains

Le
Forum de la Mobilité Urbaine (FMU) a été organisé dans le cadre du programme «Transport Urbain Durable» du Centre pour l’Intégration en Méditerranée (CMI) de Marseille, piloté par l’AFD (Agence Française de Développement), CODATU et le CEREMA. Cet événement est organisé en partenariat avec le projet Euromed RRU, et le Ministère des Transports Égyptien.

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Compte tenu du contexte égyptien, où le premier métro en Afrique et au Moyen-Orient a été construit et ouvert en 1987, et de l’urgence d’aborder la question du financement du transport urbain, cet événement a abordé les « Mécanismes financiers au-delà des recettes tarifaires pour l’opération du métro et des trains urbains ». Le Forum de la Mobilité Urbaine (FMU) a été organisé en étroite collaboration avec les partenaires égyptiens et prévoit la participation d’acteurs locaux et nationaux, de décideurs politiques, de représentants des municipalités et des différents ministères, des associations et des universités, ainsi que des experts internationaux.

Le Forum de la Mobilité Urbaine a rassemblé les acteurs impliqués dans la gestion, exploitation et financement des réseaux de transport en commun pour discuter des « Mécanismes financiers au-delà des recettes tarifaires » et explorer des nouvelles pistes de solution adaptées au contexte des villes égyptiennes. Les discussions du forum ont été focalisées notamment sur le métro du Caire mais les contributions et les conclusions sont pertinentes aussi pour d’autres villes.

Un événement riche en discussions

L’UMF a permis d’instaurer des échanges et des discussions fructueuses entre les parties impliquées égyptiennes et les experts internationaux intervenant principalement pour certains points de vue thématiques et l’animation des débats.

L’événement sur deux jours a été organisé principalement en 4 sessions:

  • Session 1: Défis pour le Financement de L’exploitation des Systèmes Ferroviaires Urbains en Egypte
  • Session 2: Bonnes Pratiques de Mécanismes Financiers pour l’Exploitation du Métro et du Tramway
  • Session 3: Publicité et Amélioration Commerciale de Stations du Métro
  • Session 4: Processus et Exemples de Captation de la Plus-Value Foncière autour des Stations et Corridors de Transport de Masse

Le forum a commencé par présenter le contexte égyptien à travers des présentations du cadre juridique et réglementaire métropolitain et a ensuite offert un large éventail de possibles mécanismes financiers « au-delà des recettes tarifaires  » qui peuvent être intégrés dans la politique locale. Chaque session a permis aux participants de prendre parti aux échanges et au partage d’idées.

Les présidents de séance ont également invité chacun des participants à rédiger des solutions pratiques afin de discuter ensemble de leur applicabilité au contexte égyptien. Les idées des participants ont augmenté la qualité des échanges et aidé à identifier les axes d’action prioritaires.

Discussions

Actuellement, le métro du Caire se compose de trois lignes s’étendant sur 72 km et transportant plus de 2,5 millions de passagers chaque jour. Ali Fadaly, président de la Compagnie Égyptienne du Métro (ECM), a déclaré que l’écart entre les recettes (594 millions EGP) et les coûts d’exploitation (873 millions EGP) est de (-) 165 millions EGP et a souligné la difficulté d’introduire une augmentation des tarifs. Sherif Nabih, président de la MOT pour Investissements et Projets, la société en charge de la publicité et de l’amélioration commerciale des stations du métro au Caire, a avoué d’avoir des obstacles à travailler avec toutes les parties impliquées en raison d’un cadre réglementaire inadapté. Au cours des discussions, les experts et le public ont convenu que l’autorité de régulation des transports du GC (GCTRA) agirait comme l’entité responsable de la réglementation des transports sous le contrôle du MOT. Toutefois, les experts ont suggéré de revoir la politique tarifaire au moins au Caire et à Alexandrie; Julien Allaire de la CODATU a déclaré que le Caire détient probablement le prix du billet du métro le moins cher dans le monde et que des solutions doivent être trouvées aussi dans les recettes tarifaires.

Galal Said, le Ministre de Transport, s’est dit très intéressé à l’impôt français «Versement Transport» (VT) qui est prélevé sur le total des salaires bruts de tous les salariés des entreprises publiques et privées de plus de onze salariés. Thierry Gouin du CEREMA a affirmé qu’en France le coût de construction, d’exploitation et d’entretien s’élève à environ 16,5 milliards d’euros et est constitué par 30% de fonds publics, 40% de contributions bénéficiaires indirects et 30% de contributions bénéficiaires directs. Olivier Badard de la RATP Dev a expliqué qu’à Paris, par exemple, les revenus non tarifaires contribuent à la création d’un contrat économiquement équilibré. Des participants parmi le public ont exprimé leur inquiétude quant à l’intérêt manifesté par le ministre pour la VT, car l’Égypte a récemment subi une réforme fiscale qui a imposé de nouvelles taxes, comme la taxe sur la valeur ajoutée.

Pendant le Forum, les discussions ont également été souligné que le transport ferroviaire génère de la plus-value pour les citoyens, les entreprises et les administrations publiques et qu’une partie de l’augmentation de la value foncière créée par un projet ferroviaire peut être utilisée pour le développement d’infrastructures et de services locaux. Christophe Chevallier d’AREP Ville a déclaré que les projets de développement orienté vers le transport en commun doivent tenir compte du contexte local pour comprendre les mécanismes de gouvernance et articuler les différentes échelles et temporalités pour créer et exploiter la valeur ajoutée. Yves Amsler de l’UITP a invité le Caire et les autres villes à développer une vision holistique intra-institutionnelle de la mobilité urbaine durable grâce à un plan directeur intégrant les transports et l’utilisation des terrains. En ce qui concerne l’utilisation de taxes spécifiques pour financer les transports publics, le Professeur Ali Huzayyin a expliqué que la « taxe d’amélioration/betterment tax » présentée par les experts lors du forum est déjà collectée par les gouvernements locaux mais n’est pas considérée comme une contribution dédiée au transport. L’amélioration commerciale des stations a également été considérée comme un mécanisme financier : le défi est de trouver un équilibre entre la vente d’espaces publicitaires et de kiosques et le confort des passagers. En ce sens, Etienne Riot d’AREP Design a présenté une étude comparative entre la France, l’Italie et l’Angleterre sur l’approche globale pour l’amélioration commerciale dans les stations.

Au Caire, la société MOT pour Investissements et Projets est confrontée à des difficultés dans la gestion des espaces publicitaires pour les 3 dernières années de son contrat avec ECM car les entreprises demandent des contrats d’au moins 10 ans. M. Sabbagh de JCDECAUX a souligné que les contrats à long terme avec une grande entreprise spécialisée permettent d’investir dans une meilleure qualité et d’assurer la viabilité des investissements.

La vente des droits de dénomination des stations de métro a également été présentée par Lorenza Tomasoni-Pradel de CODATU/projet Euromed RRU comme une nouvelle source potentielle de revenus. Les autorités apprécient l’idée, mais certains experts s’inquiètent de la perte d’identité des espaces urbains ; son utilisation doit être strictement réglementée et adaptée dans chaque ville et quartier.

Les participants égyptiens ont exprimé le besoin d’ateliers, de formations et de visites techniques pour répondre aux besoins du personnel afin de mieux gérer les tâches de gestion et d’exploitation et les nombreux experts ont offert l’aide de leurs entreprises. En ce sens, par exemple, des visites techniques en Europe peuvent être organisées et une étude sur la station du métro Attaba peut être lancée. Au cours de son discours de clôture, G. Said a expliqué que le ministère cherche des solutions «au-delà des recettes tarifaires» car l’écart de financement entre le coût de fonctionnement du métro et les revenus tarifaires augmente rapidement. En plus, il a ajouté que toutes les solutions qui ont été discuté pendant le Forum sont applicables à toutes les villes égyptiennes et non seulement au Caire.

Cinq groupes d’actions et de mesures identifiés pour le Caire et Alexandrie (essentiellement)

Grâce aux présentations et aux débats, plusieurs solutions ont été définies et la plupart d’elles ont été accueillies favorablement par le Ministre de Transport. Pour faire face à l’urgence, il est essentiel de définir et de hiérarchiser les mesures de manière réaliste et applicable. Toutes les mesures sont applicables au métro du Caire. Certains d’entre eux peuvent également être appliqués au réseau des chemins de fer nationaux égyptiens, le futur tramway modernisé d’Alexandrie et avec, un certain marge d’adaptation, même au réseau de bus.

Cet événement a permis d’identifier des possibles options pour développer de nouveaux mécanismes financiers aux niveaux national et local afin de combler l’écart entre les revenus et les coûts d’exploitation. Cinq groupes de mesures ont été identifiés afin d’élaborer un plan d’action et d’évaluer plus en détail leur applicabilité et leur faisabilité:

  • Groupe 1 – Valorisation de l’infrastructure et des équipements du métro
  • Groupe 2 – Billettique et tarification
  • Groupe 3 – Coût d’exploitation
  • Groupe 4 – Droits et redevances
  • Groupe 5 – Autres