La ville de Kochi (Cochin) a accueilli en 2017 une première ligne de métro dont Kochi Metro Rail Limited (KMRL), société anonyme, après en avoir été maître d’ouvrage, assure son exploitation et sa maintenance. Le métro devait permettre une réduction voire une inversion de la tendance de la part modale croissante de la voiture individuelle.

L’approbation par le Gouvernement Central de la mise en œuvre de cette infrastructure lourde a été conditionnée à l’engagement du Gouvernement du Kerala (GoK) à mener différents projets devant favoriser l’intégration des différents modes de transport au sein de l’aire urbaine. Le Département des Transports du GoK ne disposant pas de service technique mais simplement d’agents administratifs, KMRL a pris l’initiative d’être à la tête de ces différents projets, diversifiant ainsi nettement la nature de ses missions par rapport à celles d’une “simple” société de métro.


Pour en savoir plus sur l’aire urbaine de Kochi, son métro, et ses autres moyens de transports :
https://www.codatu.org/kochi-inde-le-metro-locomotive-de-la-smart-city/ (Marion Hoyez, novembre 2016)
Le document de valorisation issue de la collaboration entre CODATU et KMRL est par ailleurs disponible suivant ce lien :
https://www.codatu.org/actualites/kochi-metro-une-contribution-precieuse-dans-lhistoire-des-metros-indiens/


Figue 1 : Carte des périmètres administratifs

Kochi Metro Rail Limited, chef de file de l’intermodalité à Kochi

Ainsi, depuis sa création, les projets de KMRL s’inscrivent dans une vaste entreprise de révision de l’ensemble du système de transports urbains du Grand Cochin, celle-ci devant aboutir à une plus grande cohérence et à une complémentarité des différents modes de transport.

Photo d’un emplacement réservé pour les bus publics (KSRTC) au sein du terminal de bus privés d’Aluva (Grand Kochi)

Photo d’une piste cyclable entre le terminal de bus privé et la station de métro Aluva (Grand Kochi)

Le cas de Kochi est particulièrement intéressant de par la diversité des moyens de transport dont les habitants disposent : train, bus publics et privés (pour des trajets de courte, moyenne et longue distance), métro, bateaux, auto-rickshaws, taxi, sans oublier le vélo et la marche. Malgré la diversité de l’offre de transport et de la performance relative de chaque offre prise individuellement, le réseau est encore peu propice à des déplacements multimodaux. De par la concurrence entre métro et bus au niveau de l’axe routier principal, la non-synchronisation des horaires entre les différents modes, le coût des trajets multimodaux ou encore le cruel manque d’informations relatives à un mode en particulier et l’absence totale d’informations facilitant les changements de mode au sein des infrastructures. Les ruptures de charge restent par ailleurs conséquentes et subsistent d’importantes déficiences en terme d’équipement répondant à la problématique des premier et derniers kilomètres au niveau des terminaux et stations de métro kilomètres (accessibilité piétons, parkings à vélo, dépose-minute pour les rickshaw, …), … De plus, le réseau ne couvre encore que 49% du territoire du Grand Kochi et la fréquence de service est significativement moindre 20h passée.

Le chantier pour aboutir à un réseau de transport “sans couture” est donc conséquent et KMRL l’aborde par diverses approches :

  • globale, par la réalisation d’un Plan de Déplacements Urbains (Comprehensive Mobility Plan) ainsi qu’un ensemble de programmes (Integrated Public Transport) comprenant , un plan de rationalisation du réseau de bus pour assurer leur complémentarité avec le métro, un Plan “modes doux”, …
  • plus spécifique, en entreprenant, par exemple, des projets de billettique commune à tous les modes, de restructuration des terminaux en pôles d’échanges, …

KMRL a également pris l’initiative d’initier des discussions avec les différents exploitants afin d’amorcer des relations de coopération. Cette démarche a notamment abouti à la formation d’un syndicat regroupant l’ensemble des opérateurs de rickshaws facilitant la collaboration avec ces derniers, ainsi que la révision des itinéraires de certains bus faisant concurrence au métro.

Kochi Metro s’affirme ainsi, depuis 2013, un an après sa création, dans son rôle d’Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) provisoire qui lui a officiellement été octroyée par le gouvernement indien.

Photo d’un « pick-up point » réservé aux auto-rickshaws à l’entrée d’une station de métro

En quête d’intermodalité : des projets pilotes à l’institutionnalisation d’une Autorité organisatrice

L’arrivée du métro et de ces projets connexes n’ont pas seulement bouleversé le marché local des transports, mais ont amené une réflexion globale sur le paysage institutionnel propre au secteur des transports à l’échelle du Kerala, en écho aux dynamiques nationales. Alors que l’ensemble des villes indiennes souffre d’une congestion croissante en leur sein, la Politique Nationale des Transports Urbains (NUTP, 2006) prévoit la création d’AOM dans les villes de plus de 1 million d’habitants en vue d’unifier le paysage institutionnel des transports urbains. En 2014, alors que cette même NUTP est ré-éditée notamment de manière à la rendre plus exploitable par les autorités locales, Kochi est la première ville indienne à se lancer dans l’aventure.

Forte de ses capacités techniques et de sa légitimité, alors que le gouvernement keralais tarde à prendre les choses en mains, KMRL prend l’initiative de se charger de la rédaction d’un projet de loi régional édictant le cadre législatif nécessaire à la mise en oeuvre d’une AOM : la Urban Transport Authority (UMTA) Bill. L’adoption de la loi était alors prévue pour fin 2016, mais le processus législatif s’est considérablement rallongé, de telle manière que celle-ci ne sera finalement soumise au vote de l’Assemblée qu’en octobre 2019. Le 2 mai 2019, la dernière version du projet de loi était éditée à l’issue d’une réunion à l’initiative du Chef du Département des Transports du GoK et rassemblant le Commissaire des Transports, le Chef de la Planification urbaine, des représentants du Département financier, du Département des Transports, du Département de la Planification et de l’Économie, du Département du Développement Local, et du Service juridique ainsi que les membres du Service Planification des Transports de KMRL

Le processus décisionnel et d’élaboration du contenu de la loi

Après une première version proposée par KMRL, le texte de loi a subi de nombreux aller-retour entre la société de métro et le gouvernement. Un Comité spécial composé de 15 membres de l’Assemblée Législative ainsi que du Ministre des Transports a été formé afin de mener les débats sur le contenu du texte et d’organiser des réunions rassemblant l’ensemble des acteurs des transports et des “experts” extérieurs (en particulier CPPR, institut de sciences politiques basé à Kochi ainsi que des membres de l’AOM de Singapour). Des réunions de concertations publiques pour chacune des trois aires urbaines ayant vocation à accueillir sa propre UMTA (Kochi, Kozhikode et Trivandrum) ont également été tenues.

Un cadre légal peu propice à la création d’AOM

Si les compétences de planification urbaine appartiennent théoriquement à l’État du Kerala, à travers la réalisation d’un Plan de Développement Urbain (Development Plan for Kochi City Region 2031) par le département d’Urbanisme (Town and Country Planning Department), en réalité, les questions de planification constituent un relatif “désert législatif”, ce qui a constitué une première difficulté à surmonter. En effet, le cadre législatif en vigueur est particulièrement sectorisé et ségrégué. A l’image de ce dernier, la collaboration entre le GCDA, le Département d’Urbanisme, celui des Transports, ainsi que celui des Travaux Publics (responsable avec le GCDA du phasage, de la mise en oeuvre et du suivi des projets) et l’Agence Nationale des Autoroutes, sont inexistantes ou presque.

Depuis 1986, au niveau central, la responsabilité de la planification des transports urbains repose sur un ministère unique : le Ministère de l’Habitat et des Affaires Urbaines (MoHUA). Au niveau des états, le Département des Transports est chargé de piloter la politique de transport. Au Kérala comme dans d’autres états, on constate un morcellement des responsabilités entre une multitude d’institutions :

  • A côté de la multitude d’opérateurs privés, il existe deux opérateurs publics de bus urbains et régionaux: KSRTC et KURTC;
  • Le transport fluvial de passagers et de marchandises est assuré par deux compagnies: KSWTD et KSINC;
  • Une joint-venture appartenant à l’Etat du Kérala et à l’Etat central a été créée en 2012 pour construire le métro: KMRL;
  • Les chemins de fer indiens qui gèrent le transport ferroviaire de passagers et de marchandises restent quant à eux totalement indépendants.

Par ailleurs, la création de l’AOM au niveau législatif se confronte au « Motor Vehicle Act », loi centrale datant de 1988, que beaucoup considèrent comme obsolète et qui octroie le pouvoir de planifier et réglementer les modes de transports motorisés aux Autorités Régionales des Transports (RTA). La législation encadrant la création d’AOM étant aujourd’hui, en Inde, établie au niveau national, les AOM ne peuvent que disposer de pouvoirs essentiellement consultatifs. Le « Motor Vehicle Act » empêche notamment la future AOM de Kochi d’imposer un plan de rationalisation du réseau de bus, aspect pourtant crucial dans le projet de Kochi d’un système de transport cohérent et unifié. Cette dernière ne disposera ainsi que d’un pouvoir consultatif relativement à la révision des itinéraires de bus, de leurs horaires mais également de l’équipements des infrastructures en terme d’information voyageur, …

Les fondations de l’UMTA ont donc été bâties sur une base peu encline, le défi majeur consistant à insérer une nouvelle composante, celle de la planification supposant une action coordonnée, au sein d’une gouvernance des transports urbains a priori rigide et un secteur peu unifié. La réussite de la création de l’UMTA, qui a en premier lieu vocation à instaurer de la cohérence dans l’offre de transport, repose ainsi essentiellement sur l’instauration d’une communication constructive et de relations collaboratives au sein de l’ensemble des acteurs du secteur.

Une organisation nécessitant une autonomie et la problématique du chevauchement de compétences

Par ailleurs, la définition du partage de pouvoirs entre le Département Transports de l’Etat et l’UMTA et plus largement le degré d’intervention du Ministère dans les activités de cette nouvelle autorité a été un réel point d’achoppement. En effet, alors que l’intérêt de cette dernière réside essentiellement dans sa dimension locale, la nature des suggestions élaborées par le gouvernement ont montré sa frilosité quant à déléguer et conférer des pouvoirs à cette nouvelle entité, à tel point que le gouvernement a proposé plus tôt dans l’année, la constitution de l’autorité à un niveau étatique plutôt qu’à l’échelle de la ville, comme le rapporte le New Indian Express dans un article paru le 11 février 2019. Son degré d’autonomie par rapport au gouvernement a ainsi été l’objet de débats qui se sont prolongés jusqu’à l’élaboration de la dernière version du texte. Un des employés de KMRL confie que l’arrivée d’un nouveau Commissaire des Transports en 2017 a largement participé à l’ouverture du Département à donner des pouvoirs consistants à l’UMTA.

Extrait des commentaires formulés par CPPR

« Étant donné que le Schéma et l’UTP (qui font partie du CMP) doivent être approuvés par le gouvernement de l’État avant leur mise en œuvre, exigence supplémentaire de reprendre avec le gouvernement de l’État pour l’émission de directives, ne fera que limiter les pouvoirs dont l’Autorité a tant besoin. La disposition actuelle fera en sorte que l’Autorité n’aura même pas le pouvoir d’émettre des directives aux particuliers. »

D Dhanuraj, Président de CPPR

Tout comme les entrées définissant les relations entre le gouvernement et l’UMTA, celles édictant le partage de compétences et la position de l’UMTA par rapport aux autres acteurs des transports (exploitants, société de projets – notamment de pôles d’échanges, …) ont constitué un exercice technico-juridique complexe et ont ainsi été l’objet de nombreuses révisions.

« Les développements dans le secteur des transports par d’autres organisations peuvent entraîner un chevauchement des intérêts entre différentes organisations pour atteindre les mêmes objectifs. Par exemple., une installation de stationnement construite par une société municipale ou un projet routier qui traverse les limites municipales. »

D Dhanuraj, Président de CPPR

« Même si l’autorité est destinée à la zone municipale, la représentation du gouvernement local est limitée au secrétaire de la corporation et tout le reste laissé à la discrétion du gouvernement de l’État. Il manque à son propre mandat au niveau local en donnant un contrôle excessif du gouvernement de l’État sur ses fonctions. »

D Dhanuraj, Président de CPPR

De par son rôle prépondérant dans la mise en place de cette institution, il était initialement prévu que KMRL se mue elle-même en UMTA (Urban Metropolitan Transport Authority). Il a finalement été décidé que les deux institutions devraient être strictement distinctes. En fait, alors que l’UMTA avait à l’origine vocation à rassembler sous une même égide l’ensemble des organes exécutifs et des acteurs des transports du Grand Cochin, la dernière version du projet de loi (qui sera celle soumise au vote de l’Assemblée Législative en octobre 2019), prévoit une structure bien différente. Ainsi, un aspect fondamental qui a été amplement débattu entre les différentes parties prenantes a été la définition des membres de cette UMTA : L’institution doit-elle se composer de l’ensemble des opérateurs ? les opérateurs publics ? Ou bien ces derniers doivent-ils être exclus de ses instances ? Autrement dit, l’institution doit-elle par essence être gouvernée par les rapports de force entre les différents acteurs ? Ou bien doit-elle être exempte de tout conflit d’intérêt en son sein, et se positionner “au dessus” des opérateurs ? A cet égard, M. O.P. Agarwal, Directeur Général du World Resources Institutes (WRI), note : “Il me semble difficile de trouver un “expert” digne de ce nom sans que celui-ci soit associé à quelconque affaire du secteur des transports urbains. Après tout, ce sont ces organismes qui fournissent des analyses pertinentes. Peut-être que le compromis pourrait consister à exclure les opérateurs des transports urbains et auxiliaires, et laisser la possibilité d’inclure les personnes de l’enseignement et de la recherche ainsi que les consultants.”

“L’UMTA devrait être un organe régulateur et non pas opérationnel. Ceci pris en considération, le bureau devrait exclure toute personne issue du marché du secteur. La présence des directeurs généraux de Kochi Metro Rail Ltd. et de Kerala State Road Transports Corporation (KSRTC, compagnie de bus publique), qui composeront, entre autres, le comité de direction, soulève une problématique de conflits d’intérêts.”

D Dhanuraj, Président de CPPR

Finalement, les acteurs du marché seront mis à l’écart de ces instances décisionnelles, et leur participation à la planification sera circonscrite à leur présence au sein de départements techniques de la future AOM. La structure interne de l’UMTA est détaillée par la figure ci-dessous. Néanmoins, le Chef de la Planification urbaine a suggéré lors de la dernière réunion mené par le Département des Transports que KMRL soit fait membre spécial du Comité de la Planification Urbaine.

Structure et gouvernance

Initialement, les autorités municipales étaient cantonnés à un statut “ex-officio”. CPPR a déploré ce choix, argumentant : “Les autorités organisatrices des transports à Londres et Singapour, que l’on peut considérer comme exemplaires, sont présidées par le maire de Ia ville. Ce texte ne prévoit aucun rôle au maire au sein des instances décisionnelles” Malgré l’échelle d’action de l’UMTA, les autorités locales étaient en effet les moins représentées au sein de l’instance dirigeante, ce qui pourrait avoir des incidences sur les fonctions de gestion et de facilitation de l’autorité, selon un ancien conseiller de la municipalité de Kochi. A l’issue de nombreuses discussions, le choix a finalement été fait de mettre les municipalités au coeur de la décision en intégrant les maires ainsi qu’un Haut Fonctionnaire d’une des municipalités comprises dans l’aire urbaine sous l’autorité de l’UMTA, en plus du Ministre qui les représente au niveau du Gouvernement du Kerala (Ministre du Développement Local).

Par ailleurs, le bureau imaginé dans un premier temps était caractérisé par une absence de représentation du domaine de la Planification urbaine… Si celui-ci a finalement été intégré, l’absence de représentant de domaines comme ceux de l’environnement, des énergies, … peut être remarquée. L’intégration d’experts de tels domaines au sein du bureau avait été suggérée par CPPR mais n’a finalement pas été retenue, ce qui peut être considéré comme regrettable au regard de l’objectif explicitement poursuivi de développement durable et de l’imbrication de chacunes des problématiques que celui-ci comprend. La présence de tels experts au sein des instances de l’institution pourrait donner lieu à une réelle dynamique quant à la conduite d’études de qualité de l’air, d’impacts socio-démographiques et autres travaux en lien avec les mobilités urbaines.

Néanmoins, ce type d’acteurs, les opérateurs ainsi que des représentants d’institutions telles que la Police, l’Agence Nationale des Routes, … pourront être représentés au sein de départements techniques de l’UMTA.

Pouvoirs & Fonctions

L’institut de recherche en politiques publiques CPPR a, à plusieurs reprises, relevé un manque de clarté dans la définition du rôle de l’autorité. Par ailleurs, l’octroi clair et indiscutable à l’UMTA de pouvoirs contraignants pour l’application de ses programmes s’est confrontée à la réticence du gouvernement.

Extrait des commentaires formulés par CPPR

« Le projet de loi est ambigu quant à la définition de la nature de l’autorité; s’agit-il d’un organisme de réglementation, d’un organisme d’implantation ou d’un fournisseur? L’Autorité devrait être un organe régulateur pour une meilleure coordination et une mise en œuvre efficace, mais les dispositions énoncées sont trompeuses dans ses définitions. »

Néanmoins, l’UMTA devrait finalement jouir d’une autonomie complète dans les projets qu’elle entreprend. L’intervention de l’Etat devrait se limiter à l’approbation des potentielles modifications de politiques internes et de son budget et l’organisation devrait être apte à exercer des pouvoirs d’entité pilote et planificatrice et mettre en oeuvre des programmes comme une billettique unique pour l’ensemble des moyens de transport, ainsi que le développement d’une politique de parking pour l’aire urbaine. Malgré les recommandations du World Resources Institute, la gestion d’une base de données commune à l’ensemble des transports en commun n’apparaît pas dans le texte de loi. Cela n’empêchera pas l’UMTA de développer cet outil majeur pour une planification cohérente dans un second temps et de mettre en place un centre de contrôle regroupant l’ensemble des modes et le développement d’ « ITS » (Intelligent Transport System).

L’autonomie de chaque UMTA (Kochi, Kozhikode et Trivandrum) sera par ailleurs renforcée par la mise en place d’un fond propre à chacune : l’Urban Transport Fund. Des premières versions du texte ont été critiquées comme étant trop rigides relativement à la définition de ce fond et à la nature des sources de financement. Finalement, l’UTF devrait fonctionner comme suit.

Conclusion

Après cinq années d’élaboration du texte de loi, la création d’une AOM pour Kochi et les deux autres aires urbaines du Kérala est ainsi sur le point d’être actée. Si la définition du contenu de la loi a été ralentie par la défiance relative exprimée par le Gouvernement du Kérala, ce temps long a permis l’édification d’un texte de loi dont la pertinence et l’exhaustivité ont notamment été saluées par le Directeur Général du World Resources Institutes (WRI).

Le CPPR s’inquiète néanmoins de l’absence de mention du partage de compétence avec le Département des Véhicules Motorisés qui joue un rôle prépondérant dans le remaniement de l’ensemble de l’offre de transport, de part sa compétence à réguler l’ensemble des véhicules motorisés, et notamment les bus. A cet égard, un officiel haut placé au sein de KSRTC commente : “Comme de nombreuses routes de Kochi ont déjà été nationalisées, la réglementation et le réacheminement des services de KSRTC constitueront une impasse majeure devant l’autorité ».

Le Directeur Général de WRI a, quant à lui, identifié des faiblesses dans l’identification de ses modes de financements, celui-ci recommandant un engagement des gouvernements à adresser une subvention conséquente ou à accorder à l’UMTA des prélèvements supplémentaires – comme un prélèvement sur les plus-values ou des prélèvements issus de taxe sur la valeur ajoutée. Il recommande par ailleurs d’envisager l’UMTA comme un organe centralisateur de l’ensemble des fonds à destination du transport urbain.

D’autres zones d’ombre restent également à éclaircir quant à l’établissement concret de cette nouvelle autorité et de son organisation, notamment la définition des différents services en son sein. La plupart d’entre elles seront a priori l’objet de décrets. Selon des commentaires d’experts d’origines variées, des faiblesses dans la définition de la structure de l’organisme ainsi que son rôle, pourrait s’avérer problématiques. Les périmètres des aires sous l’autorité de chacunes des trois UMTA seront, eux, actés par publication dans le Journal Officiel. Ils seront l’objet de débats d’ores et déjà tendus au vu des enjeux de gouvernance sous-jacents et de l’intérêt à étendre la zone sous l’autorité de l’UMTA au-delà des frontières considérées par l’administration afin de définir des périmètres pertinents au regards des problématiques concrètes de mobilité. Par ailleurs, le texte prévoit que les possibles litiges entre l’UMTA et d’autres parties prenantes, notamment relatifs à l’exercice de ses compétences soient solutionnés par le GoK.

Enfin, le principal obstacle à une organisation regroupant l’ensemble élargi des acteurs des mobilités reste le « Motor Vehicle Act » et, finalement, l’inertie au niveau central à établir une législation cohérente et répondant aux enjeux actuels des mobilités. En effet, sans les pouvoirs coercitifs qui lui permettraient de constituer un réel organe régulateur du secteur et se positionner en véritable autorité planificatrice, les Unified Metropolitan Transport Authority, pourtant prévues par la Politique Nationale des Transports Urbains (NUTP, 2014), resteront des entités de second plan, à vocation principalement consultative. Le département de la Planification des Transports de KMRL persévérant, celui-ci travaille actuellement officieusement à la formulation de propositions d’amendements du « Motor Vehicle Act » et a entrepris l’élaboration d’une loi centrale facilitant l’implémentation d’AOM pour l’ensemble des métropoles indiennes ! Il est par ailleurs actuellement en collaboration étroite avec le Département des Transports du Gouvernement du Kerala avec lequel il oeuvre à la création d’un service technique au sein de ce dernier.

Ainsi KMRL a engagé une entreprise ambitieuse, qu’elle mène consciencieusement et avec détermination. Cette dynamique entretenue par KMRL à l’échelle du Kerala est remarquable et n’a pas manqué d’être l’objet de toutes les attentions, au-delà des frontières de l’Etat. Kochi, première ville indienne à mettre en place une autorité unique à la tête de la planification de l’ensemble des transports urbains, démontre ainsi ses capacités à entreprendre et innover, et ouvre la marche d’une nouvelle organisation des transports, pour un réseau plus unifié, complémentaire, cohérent, et une mobilité plus soutenable.

Auteure : Judith SZABATURA – Chargée de Mission – Élève ingénieure fonctionnaire de l’ENTPE