13 septembre 2019

Gouvernance des projets ferroviaires en Colombie

Le 9 juillet 2019, s’est tenu le quatrième atelier de projets ferroviaires régionaux en Colombie, organisé par la Fondation ProPacifico et l’Agence Française de Développement dans les locaux du gouvernement régional de Cundinamarca à Bogota. Réunissant des représentants des projets ferroviaires en cours dans les agglomérations de Cali, Medellín, Bogota et Barranquilla, ainsi que des entités nationales (Département National de Planification DNP, Ministère du Transport, Agence National d’Infrastructure), cette série de quatre ateliers a permis aux régions de partager leurs expériences et découvrir les bonnes pratiques nationales et internationales sur les aspects technique, financier et de gouvernance des systèmes ferroviaires. L’objectif de ce dernier atelier était de discuter du cadre institutionnel et de la gouvernance de la mobilité pour assurer la bonne mise en œuvre des projets ferroviaires.

CODATU a participé à cet atelier pour présenter avec le Gouvernement régional du Valle del Cauca, les avancées de la coopération en cours à Cali pour structurer une Autorité Régionale de Transport.

Contexte

Le réseau ferré national de plus de 3000km au XXe siècle et les services de transport ferroviaire de passagers ont été progressivement abandonnés avec le développement du réseau routier en Colombie. Aujourd’hui, seuls 777km de voies ferrées sont actifs et dédiés presque intégralement au transport de marchandise en particulier le charbon. Toutefois, plusieurs projets de transport ferroviaire de passagers et de marchandise ont vu le jour ces dernières années à niveaux régional et national. En outre, un cadre national est actuellement en construction (Schéma Directeur Ferroviaire National et Loi Ferroviaire) pour réactiver le système ferroviaire en Colombie.

Cas régionaux

Cundinamarca et le projet RegioTram : L’échelon national pour coordonner l’actions des différentes autorités de transport sur un territoire

Ce projet de train régional pour connecter Bogota et la ville voisine de Facatativa est mené par le gouvernement régional de Cundinamarca. En l’absence d’une Autorité de Transport unique sur le territoire métropolitain de Bogota et ses environs, et alors que la municipalité de Bogotá a refusé de s’associer au projet RegioTram, la gouvernance de ce projet de transport régional est confrontée à de nombreuses difficultés. Par exemple, le train régional ne sera pas intégré au transport collectif de la capitale (BHNS et futur métro), et des négociations entre la région et Bogota seront nécessaires pour planifier chaque intersection sur le tracé du train dans la capitale. Dans ce contexte, le leadership du gouvernement National a été déterminant pour coordonner les actions de la capitale et de la région et permettre au projet de train de voir le jour. Dans le cas spécifique des villes capitales, il est d’ailleurs commun que le gouvernement national exerce la compétence du transport.

Medellín : La consolidation progressive d’un gouvernement métropolitain pour le système intégré de transport

L’Aire Métropolitaine du Valle de Aburrá est l’autorité de transport sur le territoire métropolitain de Medellín. En collaboration avec l’entité publique de gestion et exploitation du système intégré de transport Metro de Medellín, elle planifie, régule et contrôle les différents modes motorisés et bicyclettes publiques de la métropole. Il s’agit du modèle le plus abouti en Colombie comprenant 74km de métro, train, téléphérique urbain et BHNS. Dans ce cas de figure, le défi pour l’Aire Métropolitaine, constituée comme Autorité de transport métropolitaine en 2008, est de consolider ses capacités techniques et de s’imposer progressivement comme autorité régulatrice face à l’entreprise publique Metro de Medellin, créée en 1995 et concentrant toute l’expérience et les capacités techniques de planification, construction et gestion du système.

Cali : L’expérience pionnière d’Autorité Régionale de Transport

La région du Valle del Cauca, la ville de Cali et ses communes voisines, liées par de fortes interactions quotidiennes et un projet de train régional, réalisent actuellement le processus de structuration d’une Autorité Régionale de Transport (ART) qui sera en charge de l’intégration et la régulation du futur système integré de transport régional (train de proximité, BRT de Cali et système de bus intermunicipaux). La figure de l’ART a été créée dans la loi en 2015 afin de permettre aux municipalités d’un territoire fonctionnel ne bénéficiant pas d’une Aire Métropolitaine légalement constituée d’organiser le transport à échelle régionale. Toutefois, cette figure n’a jamais été réglementée et mise en oeuvre, malgré l’intérêt de plusieurs territoires. L’ART du Valle del Cauca est donc un cas pionnier en Colombie. En l’absence d’une réglementation claire, les principaux défis pour sa structuration sont de définir les fonctions qu’elle exercera et son articulation avec les entités gestionnaire et/ou exploitante de transport, ainsi que de structurer son fonctionnement global, sa forme institutionnelle, en particulier le schéma d’association territoriale sur lequel elle reposera, les institutions représentées dans sa gouvernance, les ressources humaines et financières dont elle bénéficiera. Dans cette tâche, les autorités locales et régionales sont soutenues par l’AFD, Codatu, DVDH et GSD+ dans le cadre d’une coopération technique d’un an.

Carte des déplacements et tracé du futur train du proximité. Schéma des options de réorganisation institutionnelle du transport régional. Source : DVDH – Codatu (Atelier #1)

Ainsi, les projets ferroviaires régionaux en cours naissent dans des contextes variés, où les territoires métropolitains bénéficient ou non d’un gouvernement métropolitain et montrent différents degrés d’alignement institutionnel municipal et régional. Pour soutenir la consolidation d’un cadre national et les processus de construction d’une gouvernance des projets ferroviaires par les régions, des éléments de réponses ont été apportés par les consultants de DVDH.

Leçons tirées de l’international

L’influence entre les modes de vie, les pratiques de mobilité et les systèmes de transport est mutuelle. Dans ce sens, le développement de systèmes de transport intégrés, de modes privilégiant l’amélioration des espaces publics, peuvent transformer les villes et les modes de vie de leurs habitants. Les systèmes ferroviaires actuellement en redéveloppement dans de nombreux pays, sont une grande opportunité pour transformer nos villes et générer de nouvelles pratiques de déplacement, comme le montre le cas de Bordeaux (voir photo ci-dessous). Il est pour cela indispensable que les autorités de transport en charge de développer ces projets ferroviaires intègrent les problématiques du développement territorial.

Transformation du système de mobilité à Bordeaux. Source : DVDH (crédit photo Jérémy Buchholtz)

Afin de parvenir à une effective mise en œuvre des projets ferroviaires, cinq points clefs sont soulignés en matière d’organisation institutionnelle :

  • Une Autorité politique unique à charge de définir les orientations des différents modes et projets de transport sur le territoire permet une cohérence et une complémentarité entre les projets.
  • Une entité technique unique de planification et de régulation de différents modes de transport permet de garantir l’intégration tarifaire, physique et opérationnelle du système, de créer des synergies entre les modes en évitant la redondance et possible compétition entre les différents sous-systèmes de transport.
  • La planification du réseau, la supervision de l’opération et la gestion financière sont des fonctions fortement liées. Il est recommandable qu’une entité unique concentre l’ensemble de ces fonctions pour garantir un service de qualité et l’équilibre financier du système.
  • Il est nécessaire d’organiser le dialogue entre la gestion quotidienne technique du système de transport et les grandes orientations prises lors de débats politiques réguliers à travers un système de gouvernance effectif. Un exemple fonctionnel d’organisation est le cas de Lyon, où un Comité Syndical d’élus se réunit toutes les 6 semaines pour débattre et décider des orientations politiques à suivre en parallèle d’un dialogue quotidien organisé entre l’administration technique et le Bureau Exécutif d’élus du SYTRAL.
  • L’entité organisatrice du transport doit avoir au sein de son équipe la compétence spécialisée d’ingénierie financière du transport pour assurer une bonne gestion des contrats d’exploitation, du patrimoine, de la relation avec les exploitants et des conséquences provoquées par des changements de politique tarifaire.

Pour aller plus loin sur…