26 mars 2018

Forum InOut 2018 sur les Mobilités Numériques: On vous raconte!


Couvent des Jacobins

Du 14 au 18 Mars 2018 s’est tenu à Rennes le Forum InOut sur les Mobilités Numériques, premier d’un cycle de 3 Forum (2018, 2019, 2020) qui a pour objectif de réfléchir aux opportunités offertes par le numérique dans le secteur de la mobilité. Rennes a pour cela été élue « Ville Numérique » et territoire d’expérimentation et d’innovation pour les 3 prochaines années. Rennes mène également en parallèle des projets de transport urbain ambitieux, avec le développement d’une deuxième ligne de métro (mise en service prévue pour 2020), le test de 2 bus électriques (BlueBus), le développement d’un pole d’échange à l’architecture exceptionnelle autour de la gare ferroviaire, et la mise en ligne d’une application multimodale, développée avec Orange, qui intègre les services municipaux.

 

Le forum a consisté en 3 journées de partage d’expérience s’adressant aux professionnels de la mobilité (du 14 au 16 mars), dans le magnifique Couvent des Jacobins, et 2 journées d’expérimentation, ou le grand public était invité à venir tester et évaluer de nouvelles solutions de mobilité partout dans la ville (les 17 et 18). Le forum a rassemblé 900 participants et plus de 20 start-up étaient présentes dans l’espace d’exposition.

 

CODATU, sur invitation de Rennes Métropole (nouveau Membre de CODATU), a participé à l’ensemble du forum, aux cotés de Keolis Rennes et de la Fabrique des Mobilités. Voici en quelques lignes les grands thèmes et débats qui ont été abordés au cours des 3 journées et qui ont soulevé l’intérêt de CODATU:

Le covoiturage comme remède à la « voiture-solo »?

Le thème du covoiturage comme alternative à la voiture solo est revenu tout au long des trois jours. Aujourd’hui, 90% des trajets domicile-travail se font en voiture (à cause notamment d’un déficit d’offre TER périphérie-centre ville) et le covoiturage ne représente en moyenne que 4% des déplacements (sauf sur les tronçons à péages). Klaxit (anciennement WayzUp) a développé une application mobile dédiée au covoiturage pendulaire domicile-travail, pour lesquels les usagers souhaitent un service « porte-à-porte » et à des horaires très précis. Pour cela, Klaxit a développé une centaine de partenariats avec des entreprises, afin de faciliter leurs trajets domicile-trajet et de créer une communauté au sein même de l’entreprise. Et pour que l’usager ait les mêmes garanties que dans sa propre voiture, Klaxit s’est récemment associé à la Maif pour assurer un dédommagement en cas d’annulation de dernière minute. Le covoiturage à terme pourrait aussi remplacer certaines lignes de bus urbain sous-fréquentées, non-rentables, et dont la consommation énergétique est bien pire que celle d’une voiture solo. Le covoiturage, c’est aussi une demande moindre en places de parking et donc une ré-allocation possible de l’espace public.

A termes, l’idée est de mettre en oeuvre un ensemble de mesures permettant de rendre la démarche plus attractive, via notamment la mise en place de voies réservées aux covoitureurs au niveau des péages. C’est également l’objectif du « compte mobilité » individuel, qui permettrait (sur le modèle de la carte vitale) de centraliser l’ensemble des informations relatives aux déplacements d’une personne, et de pouvoir récompenser l’utilisateur des transports en commun, du covoiturage, ou de l’auto-partage, à travers des incitatifs. Cette initiative est en ce moment en test à Mulhouse.

Tout cela pose tout de même la question du « modèle » de la start-up, en hausse dans un contexte de baisse des ressources publiques. Mis à part quelques cas de subvention importante de start-up par la puissance publique (comme Klaxit et la RATP), ce foisonnement de start-up crée un effet de saupoudrage et de mauvaise allocation des dépenses publiques; sans compter le détournement de valeur dans le cas de plateformes installées à l’étranger.

Vélo en libre-service vs. Vélo en free-floating (sans borne)

Ce sujet a fait l’objet d’une session très pédagogique animée par Stephane Schultz, fondateur de 15 marches, dans laquelle sont intervenus Jean-Jacques Bernard, Vice-Président délégué à la Mobilité a Rennes Métropole, Laurent Kennel, Directeur de la société de vélo en free-floating Ofo (née a Pékin) et Laurent Mercat, Président de Smoove (entreprise spécialisée dans le vélo en libre-service (VLS) et leader mondial des vélos à assistance électrique (VAE)).

Jean-Jacques Bernard est d’abord revenu sur l’historique du VLS à Rennes, ville pionnière en 1998 avec le système ClearChannel, remplacé en 2009 par le Vélo Star, aujourd’hui exploité par Keolis. Cette année, Rennes Métropole relance une nouvelle Délégation de Service Publique (DSP), qui intègre le VAE. Le VAE en libre-service ou en location longue durée est pour Rennes une excellente alternative pour les habitants des communes périphériques, et un vrai levier vers l’achat. En revanche, la nouvelle DSP n’intègre pas les systèmes de vélo sans borne, car ceux-ci sont arrivés sur le marché alors que les documents d’Appel d’Offre étaient déjà établis. M. Bernard souligne la robustesse des VLS (5000km/an) par rapport aux vélos en free-floating, qui sont eux de qualité très inégale (mais en cours de perfectionnement), et leur plus grande sécurisation (grâce aux bornes). Enfin, M. Bernard insiste sur le rôle important des collectivités et des Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) dans la régulation des systèmes en free-floating, notamment au regard de la protection de l’espace public.

Puis Laurent Kennel a expliqué sa vision du vélo en free-floating, qu’il voit comme un complément d’offre par rapport aux systèmes de VLS (problème de redistribution entre stations du centre-ville et stations périphériques), offrant une plus grande flexibilité aux usagers. Le système Ofo est aujourd’hui rentable en Asie, et a l’échelle mondiale, la société devrait atteindre son point d’équilibre a la fin de l’année 2018. Il explique le succès du modèle par l’absence d’infrastructures, la robustesse des vélos (qui réduit les frais de maintenance) et la bonne utilisation des données qui remontent des usagers. 1000 vélos ont été déployés en Décembre a Paris.

Depuis juin 2016, c’est le scooter électrique en free-floating qui rencontre un grand succès à Paris. La compagnie Cityscoot dispose aujourd’hui de 1600 scooters, comptant plus d’ 1,5 millions de locations par an. Le système est simple: la réservation se fait via l’application mobile, et le déverrouillage du scooter grâce à un code à 4 chiffres généré par l’application. L’engin dispose de deux batteries, ce qui permet à l’équipe de maintenance de ne changer qu’une seule batterie sur les deux et de le faire directement sur place.

Bus électrique, biogaz et hydrogène: l’avenir de la mobilité urbaine?

Dans le secteur des bus électriques (biogaz ou hydrogènes), il existe aujourd’hui une hégémonie des constructeurs chinois, contre laquelle l’Union Européenne essaie de lutter en favorisant le développement de technologies européennes (« Airbus des batteries« ). 120 000 bus électriques ont été vendus dans le monde jusqu’à aujourd’hui. Ces bus offrent des systèmes non-polluants, silencieux et offrent une meilleure ergonomie du poste de conduite, mais la question du recyclage des batteries est encore loin d’être réglée….

Rennes a fait le choix du BlueBus (groupe Bolloré), fabriqué à Quimper, pour ses lignes 6 et 12, avec l’objectif du tout électrique à l’horizon 2035, pour le parc urbain. Enedis ont eux le projet de mettre en service 5 millions de véhicules électriques à l’horizon 2030, et disposent déjà en interne d’une flotte de 1700 véhicules (projet ECOFLOT). Quant à l’hydrogène, il n’en est qu’à ses débuts dans les pays du nord, mais semble être tout à fait pertinent pour des exploitations de longue durée (20h/jour). A Paris, la société Hype exploite des taxis à hydrogènes depuis 2015, avec un objectif de 600 véhicules en circulation à l’horizon 2020.

Un point de vigilance vis-à-vis de la voiture électrique est le sentiment de déculpabilisation des automobilistes et donc la hausse de l’utilisation et de l’achat de véhicules (au détriment de solutions de transport en commun). Il y a donc un besoin de régulation par la puissance publique, à travers notamment la mise en place de péages urbains et de mesures incitatives au covoiturage. Cela est conditionné à un réseau de transport en commun assez développé pour pouvoir permettre ce report modal, afin de ne pas pénaliser les usagers les plus modestes vivant en périphérie (comme cela peut être le cas dans le cas de la taxation des véhicules polluants).

Les possibilités offertes par le MaaS (Mobility as a Service)

Le concept de MaaS consiste à réussir à agréger l’ensemble de l’offre de mobilité sur une unique plateforme, permettant à l’usager de faire le meilleur choix et de considérer les alternatives à la voiture particulière (et en particulier a la voiture solo); favorisant ainsi davantage la multimodalité que l’intermodalité. L’application calculerait par exemple le coût global d’un trajet en voiture (fuel, assurance, usure de la voiture, parking…), en comparaison avec un trajet en covoiturage, en bus, en taxi, a vélo. Les géants de la mobilité (Google, Uber, Citymapper), détenteurs d’une tonne de données, cherchent aujourd’hui à mettre en place cette fameuse interface (Assistant Personnel de Mobilité), au grand damne des AOM et collectivités locales qui essaient elles de proposer des interfaces locales, potentiellement plus fiables dans une ville donnée. La solution se trouve peut-être dans l’interaction des géants de la mobilité avec la collectivité locale, afin qu’il y ait une mise à disposition des données collectées, en échange d’une autorisation d’exploiter (comme cela est déjà le cas à New York, et dans une moindre mesure à Paris avec UberMovement); réinstaurant une notion d’intérêt général dans l’utilisation des données.

Enfin, le défi du MaaS reste tout de même de réussir à rendre le système le plus accessible et inclusif possible, pour éviter qu’il reste un système réserve aux PCS supérieures.

La voiture sans conducteur: pour qui, pour où, pour quand?

La voiture autonome a été au cœur des discussions du Forum InOut, avec un grand nombre de sessions sur ses avantages, les avancées technologiques récentes, l’application au transport public et la nécessite d’en faire un outil d’amélioration des conditions de circulation à travers un usage partagé (et non une voiture de plus sur les routes, ce qui en ferait un gadget). A notamment été soulevé l’intérêt des robot-taxi pour les lignes de bus et de trains régionaux les moins fréquentées (transport à la demande) ainsi que pour alimenter le réseau d’auto-partage. Cela réduirait alors la demande de parking et permettrait de gagner de l’espace public. Le forum a notamment mis en valeur la société BestMile, qui a travaillé sur un cloud pour véhicules autonomes permettant de gérer les réservations et la circulation dans un espace restreint (lignes régulières et service à la demande).

Intelligence artificielle et logiciel libre

La plénière du dernier jour s’est intéressée aux questions éthiques et philosophiques liées à l’intelligence artificielle, mais aussi aux risques liés aux logiciels propriétaires (en opposition aux logiciels libres) qui espionnent ses utilisateurs. Ces deux interventions de Laurence Devillers (Paris-Sorbonne) et Richard Stallman (militant du logiciel libre) ont été très remarquées. Dans la même idée, la Fabrique des Mobilités et ses partenaires, dans le cadre du projet CampOSV, ont organisé pendant InOut trois journées d’expérimentation collaborative (Hackathon) sur le Véhicule Libre de source; la philosophie derrière tout ça étant de réussir a reprendre la main sur la technologie.

Rendez-vous pour l’édition 2019!

Lien utiles:
– Le site du Forum InOut 2018 : https://www.inout2018.com/
– Le programme du Forum InOut 2018 : Télécharger ici