25 juillet 1998

CODATU VIII – 1998 – Cape Town (Afrique du Sud): La politique de déplacements urbains, outil du développement durable

Les
conclusions de la conférence CODATU VIII, qui avait pour thème « La politique de déplacements urbains, outil du développement durable », par Christian Jamet et Peter Freeman, Co-Présidents du Comité Scientifique International.

Mesdames et messieurs,

Plus de 250 propositions ont été soumises au Comité Scientifique de Codatu VIII, dont 180 ont été acceptées. 157 communications ont été acceptées pour publication dans les actes, et environ 130 ont été présentées dans les sessions techniques durant trois jours.
Tout ceci montre clairement le grand intérêt des diverses autorités pour le transport urbain et régional, ainsi que celui de la communauté des experts pour le thème de la conférence :  » la politique de transport urbain, outil du développement durable « .
Le Comité d’organisation a choisi ce texte dans le prolongement de la Conférence Habitat II des Nations Unies.
Les auteurs des communications viennent de plus de 40 pays différents, et les participants à la conférence de plus de 50 pays. Les présentations et discussions ont été excellentes et l’on présente ci-dessous les principales idées débattues.
Ces conclusions sont le résultat d’un travail considérable du Comité Scientifique International, et les deux co-Présidents souhaitent remercier sincèrement tous les membres pour leurs efforts avant et pendant la conférence.

Le point de départ de ces conclusions est clair : le transport urbain est en crise dans de nombreux pays en développement ! A partir des réactions aux papiers de la conférence, on peut faire les conclusions suivantes concernant le contexte général, le niveau de service, le besoin de mobilité, et les effets environnementaux de diverses politiques :

– Face à une croissance continue de la population urbaine, il y a souvent un manque de coordination et d’intégration entre la planification urbaine et du transport ;
– Une défaillance de l’organisation institutionnelle pour clarifier  » qui est responsable de la politique, de la planification et de la mise en oeuvre, et qui finance quoi ?  » ;
– Une crise financière affectant la réalisation d’infrastructures et l’exploitation des services ;
– Les difficultés rencontrées par le transport public urbain et la fragilité financière des exploitants publics ou privés ;
– Une proportion significative du revenu par tête est consacrée au transport, spécialement dans les groupes de faible revenu ;
– un besoin d’accès et de mobilité est exprimé vivement par les résidents urbains, sans être toujours satisfait ;
– un nombre croissant de véhicules motorisés, se traduisant par un renforcement de la congestion et une détérioration des réseaux de voirie ;
– la détérioration de la sécurité routière, avec des coûts s’exprimant à travers des pertes élevées en vies humaines et blessés, et des dépenses médicales ;
– une pollution croissante provoquée par l’augmentation des véhicules motorisés et de leur usage, et un manque de mesures de gestion de trafic qui anticipent pour minimiser cet usage ;
– un manque de coordination entre les divers modes de transport, et de séparation des transports motorisés et non motorisés dans la voirie.
Tous ces problèmes proviennent du manque de priorité donnée au transport urbain mais ils doivent être considérés en référence aux solutions variées suggérées, qu’elles soient globales ou nationales.

Pour en venir au thème principal de la conférence :
– dans quelle mesure une politique de transport urbain peut-elle être un outil de développement durable ?
– on va décrire quelques grandes questions posées par la plupart des papiers présentés.
Le rôle principal d’un système de transport est de satisfaire les besoins de la population d’accès et de mobilité. Ainsi la dispersion progressive des lieux d’emploi et d’habitat en dehors des centres urbains ou péri-urbains a compliqué et accru la demande de transport dans les zones urbaines.Comme la mobilité est aussi un facteur de développement durable, une politique de transport globale et cohérente est un outil nécessaire pour le développement, la compétitivité économique, et la cohésion sociale.
Est-ce qu’une telle politique peut être un outil de développement durable ? Pour répondre à cette question il est important de mettre l’accent sur les principaux facteurs de durabilité par rapport à la préservation de conditions de vie adéquates pour les générations futures.
Cela inclut :
– le besoin d’un système de financement fiable pour assurer le réseau de transport, son entretien et son expansion ;
– la réalisation de solutions de long terme dans les différents domaines d’activité ;
– la préservation de l’environnement des ressources non renouvelables ;
– la nécessité pour le système de transport d’être accessibles à toute la population, ce qui contribue à réduire les inégalités sociales et économiques existantes :
– le consensus social sur les politiques réalisées, qui doit être réellement partagé par les différents groupes sociaux.

La définition et la réalisation d’une politique de transport urbain fondée sur ces facteurs est évidemment un projet très ambitieux. Cette approche doit en outre aussi tenir compte de :
– durabilité : une approche par étapes est recommandée pour s’assurer qu’il y a bien une capacité adéquate pour entreprendre les projets ambitieux de long terme pour satisfaire la demande croissante de déplacements.
– Le programme doit être réalisé avec l’implication de toutes les parties concernées.
La durabilité du développement lié à la réalisation d’une politique globale de transport dépend dans une large mesure de la continuité des actions entreprises et de la recherche permanente d’ajustements et d’améliorations nécessaires pour préserver non seulement des conditions de vie adéquates pour les générations futures, mais aussi pour améliorer celles des générations présentes.
Cette définition du développement durable relié au transport urbain n’a pas été modifiée par les débats de la Table Ronde et des sessions techniques. Ainsi nous pouvons considérer qu’il y a une approbation tacite de la Conférence sur ce point.
Bien que notre premier diagnostic puisse sembler pessimiste, les papiers publiés et présentés durant la conférence témoignent d’une réelle volonté de réaliser une politique globale et cohérente de transport urbain.

Votre attention doit être portée sur les facteurs suivants en particulier :
– une forte tendance à la décentralisation a été observée sur le plan international ce qui doit être géré avec précaution selon les circonstances locales ;
– l’importance d’adapter des plans d’action différents pour prendre en compte les particularités locales doit être bien intégrée ;
– Il est nécessaire d’avoir une politique  » de démonstration  » dans les villes de taille réduite avant que la congestion ne se développe de façon non maîtrisable et que la pollution devienne une menace pour la société.

D’autres points sont apparus, incluant :
– l’acceptation du rôle de régulateur du gouvernement lorsque c’est possible,
– un fort besoin d’organisation institutionnelle,
– l’intérêt de définir des objectifs à long terme et d’entreprendre des plans d’action par étape à court et moyen terme,
– la recherche de solutions techniques locales innovantes par opposition aux solutions copiées du monde développé,
– la recherche de solutions techniques à un coût raisonnable,
– l’affirmation que les modes non motorisés ne doivent pas être négligés dans la planification du transport actuel et futur,
– le besoin d’action pour améliorer la sécurité routière,
– l’importance croissante du concept d’intermodalité, se traduisant par une amélioration de l’efficacité des réseaux existants,
– la nécessité de donner la priorité au transport public sur l’usage de la voiture particulière, et le besoin d’une meilleure coordination entre les modes de transport. A cet égard il y a des moyens pour atteindre un tel objectif, par exemple une attribution adéquate de l’espace public, de bonnes politiques de stationnement et une offre de bonne qualité de transport public ; dans de nombreux pays il y a un manque de coordination entre la planification urbaine et le transport urbain.

Au delà de tous ces points se trouve le fait que tous les efforts faits pour améliorer le transport urbain doivent impliquer la participation et la consultation du public. Les participants à la Table Ronde étaient clairs sur ce point.
La liste des points forts, tirée des papiers présentés, serait incomplète si l’on ne mentionnait le cas de l’Afrique du sud. Ce pays entreprend un processus de réformes à une grande échelle. Le projet de stratégie  » Moving South Africa  » suggère que des choix difficiles doivent être faits entre projets concurrents. La mise en œuvre d’une politique de transport urbain doit être engagée dans un tel cadre, en prenant en compte spécialement le besoin de développement des transports collectifs pour la population active.  » Moving South Africa « est un bon exemple de définition d’une stratégie à long terme qui doit maintenant être appliquée.
La plupart des papiers présentés révèlent un besoin logique de travailler avec méthode. Le mot-clef de cette conférence est vraiment « méthodes » :
– méthodes pour définir les différents aspects de la politique de transport, en utilisant enquêtes, études et recherches ;
– méthodes pour formuler clairement les problèmes à résoudre,
– méthodes pour rechercher une approche globale et intégrée,
– méthodes à utiliser même quand les actions à réaliser paraissent relativement simples ; les équipes en charge d’enquêtes transport et d’usage du sol et développement urbain doivent travailler ensemble,
– méthodes supposant de l’expérimentation avec de nouveaux indicateurs pour évaluer et suivre les politiques en cours,
– méthodes pour trouver des mécanismes de coordination pour différents groupes d’intérêt concernés par le transport urbain.

Bref, le mot-clef « méthodes « exprime un besoin pressant ressenti par les participants pour une expertise forte. Cette expertise fournirait une base solide pour la réalisation de plans d’actions, quel que soit le domaine, par tous les acteurs concernés.
A la fois la Table Ronde et certaines sessions techniques ont insisté sur l’importance de montages institutionnels solides. De plus il apparaît un besoin de coopération internationale renforcée et c’est là le rôle que peut jouer CODATU.
Les aspects financiers ont certainement été l’une des préoccupations majeures des auteurs , mais cela semble avoir été traité avec réticence. Pour traiter cet aspects financier, l’une des premières tâches est de convaincre les responsables politiques au niveau local, national et international, que l’organisation du transport urbain est une priorité. Si les gens ne sont pas vraiment conscients qu’un système de transport efficace est nécessaire pour le développement durable de l’économie et de la cohésion sociale de la ville, le soutien politique nécessaire ne viendra pas. Les décideurs doivent donc être convaincus qu’il y a besoin de concevoir des objectifs et des plans de bonne qualité, insistant sur l’importance pour la ville d’un système de transport efficace et efficient. Nous avons tous notre part à prendre pour la promotion de ce message.

Pour conclure ce résumé nous avons voulu insister sur deux points :
– D’abord, cette conférence a donné la possibilité à plus de 500 délégués venant de plus de 40 pays de débattre du thème  » Politique de transport urbain, un outil pour le développement durable « . A travers tous les débats, soit dans la Table ronde soit dans les sessions couvrant le transport urbain et suburbain. Ceci renforce deux besoins où CODATU peut jouer un rôle significatif : le besoin de coopération internationale par la formation et le renforcement institutionnel et le besoin d’encourager les études et recherches dans les différents domaines du transport urbain.
– Le second point concerne les aspects financiers. C’est une question critique et nous pensons que le principal objectif doit être de convaincre les décideurs politiques à tous les niveaux que l’organisation du transport urbain est une priorité. Cependant c’est très difficile à faire en raison des besoins concurrents des autres secteurs, habitat, santé, éducation et autres services urbains. Donc la solution est d’avoir une approche globale du développement urbain. Le transport n’est pas une fin en soi mais les villes ne peuvent fonctionner sans transport efficace. On a besoin d’une approche globale de planification urbaine dans laquelle le transport a sa place entière.

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