17 août 2017

[Coopération technique Tunisie] Enjeux d’intégration tarifaire et nouveaux systèmes billettiques à Tunis – Visite technique à Paris et Rennes

Tunis,
capitale de la Tunisie, dispose d’un réseau de transport riche et varié, mais vieillissant et saturé. Afin de répondre au besoin de modernisation du service public, le Réseau Ferré Rapide (RFR), projet majeur de transport urbain, a démarré dans les années 2000. Ce réseau de train suburbain dont la première phase devra être achevée fin 2018 se résume en la construction de 5 lignes ferrées organisées en étoile pour un réseau global de 86 km.

La construction du Réseau Ferré Rapide soulève de nouveaux défis

Les acteurs du projet affrontent aujourd’hui plusieurs enjeux inédits en Tunisie. Parmi ceux-ci, la mise à niveau de la billettique du , l’intégration du nouveau système billettique du RFR à ce premier réseau, et la définition d’une tarification globale sont au cœur des préoccupations. Les deux exploitants Transtu et SNCFT (Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens, et futur exploitant du RFR) désirent tout deux se doter de systèmes billettiques modernes, mais surtout intégrés l’un avec l’autre afin de garantir un meilleur service aux usagers.

D’une part, Transtu utilise aujourd’hui un système billettique primaire à base de tickets papiers à composter à l’entrée des stations de métro, ou à acheter dans les bus. Un projet de modernisation de ce système a été lancé en 2009 et est actuellement en cours d’exécution. D’autre part, le réseau RFR encore en construction devra se doter d’un système billettique propre interopérable avec le système de Transtu. Il est ainsi nécessaire que la SNCFT prenne en compte les caractéristiques du projet billettique Transtu afin d’avancer sur son propre projet. De plus, une coordination efficace de ces acteurs est nécessaire pour définir et appliquer une offre tarifaire unifiée. Afin d’obtenir une vision claire sur le modèle tarifaire à adopter dans le périmètre du Grand Tunis, une étude a été lancée en parallèle par le Ministère du Transport de Tunisie à l’aide d’un financement par l’Agence Française de Développement. Cette étude devra permettre aux acteurs de s’accorder sur les choix relatifs à la grille tarifaire ou la gestion des recettes et est donc essentielle.

Un atelier de travail pour mettre à jour les besoins des projets billettiques et tarifaires

La complexité de ces projets a amené CODATU à organiser dans le cadre du programme de coopération technique FEXTE un atelier de travail sur la problématique de l’interopérabilité des systèmes de transport urbain dans le Grand Tunis. Cet atelier a eu lieu les 15 et 16 novembre 2016 à Tunis. Son objectif était de rassembler les acteurs impliqués, de faire un point sur l’état d’avancement des projets de pôles d’échange et de billettique, puis de dégager les recommandations sur les actions à mettre en œuvre pour la suite. Les projets de billettique et d’intégration tarifaire y ont été mis en perspective et discutés afin de faire ressortir les blocages et enjeux. Des experts français étaient présents afin d’enrichir les discussions tout au long des deux journées.

Cet atelier a permis de soumettre plusieurs recommandations aux hautes autorités ministérielles du Ministère du Transport. Il est notamment ressortit un manque de planification coordonnée mettant en péril la bonne exécution des projets. Le besoin de désigner un directeur de projet responsable de l’ensemble des composantes billettiques et tarifaires a été fortement exprimé. La mise en oeuvre de l’intéropérabilité des systèmes de billettique dépend en effet d’une bonne gestion de projet. Celle-ci permettrait entre autres de réajuster le phasage des différents projets pour permettre une cohérence entre les étapes et éviter les blocages et pertes de temps. Malgré ces recommandations, aucune décision n’a été prise par la suite.

Une délégation tunisienne en visite à Paris et Rennes pour approfondir ces sujets et ouvrir des pistes de coopération

Afin de renforcer les échanges franco-tunisien autour de ces sujets primordiaux pour le développement des transorts publics de Tunis, CODATU a organisé en Juillet 2017, en partenariat avec Ile-de-France Mobilités (anciennement STIF), la RATP, Keolis Rennes et Rennes Métropole, une nouvelle visite technique dans le cadre du programme de coopération technique FEXTE (une première visite avait eu lieu à Toulouse en Octobre 2016 sur le thème de du fonctionnement de l’autorité organisatrice et de l’exploitation du réseau toulousain). La visite de ces deux agglomérations a permis d’aborder efficacement les enjeux évoqués ainsi que d’éveiller les consciences sur l’importance des projets et l’urgence des actions à entreprendre. Une délégation tunisienne composée de représentants techniques du Ministère du Transport, de la Transtu, de la SNCFT et de la Société du RFR a ainsi été accueillie du 3 au 7 juillet 2017 par les différents acteurs de la mobilité parisienne et rennaise.

Face à l’urgence des projets pour les réseaux du Grand Tunis, une grande partie des échanges s’est concentrée sur les sujets de la billettique et de la tarification. A Paris, Ile-de-France Mobilité a notamment exposé les enjeux relatifs à la politique de tarification (grille tarifaire, partage des recettes, etc.) et aux projets de modernisation de billettique. RATP et sa filiale digitale Ixxi rencontrés par la suite ont aussi permis d’approfondir ces sujets. Se déplaçant ensuite à Rennes, la délégation a pu rencontrer les représentants de Keolis Rennes et de la Direction Mobilité Transports au sein de Rennes Métropole (jouant le rôle d’autorité organisatrice de la mobilité). Cette rencontre à permis de recueillir des témoignages supplémentaires et à une autre échelle sur les projets de modernisation de billettique et d’intégration tarifaire. D’autres nombreux sujets ont été abordés tels que la mise en place progressive d’une autorité organisatrice des transports, les relations entre autorité et exploitants, et les outils d’exploitation. Par exemple, une visite au poste de commandement du RER B à Paris a permis de présenter le cas unique de l’exploitation unifiée d’une ligne par RATP et SNCF, et les enjeux de coordinations qui en résultent.

Avec cette visite technique, la délégation a observé deux réseaux différents en termes de taille, de complexité, de gouvernance, et de modèle d’exploitation. Les thèmes d’actualité ont donné lieu à des échanges riches et fructueux, et ont ouvert la voie vers de potentielles nouvelles actions de coopération. A Paris, RATP déjà en partenariat avec Transtu est connaisseur de la situation tunisoise, entretient déjà des échanges réguliers. A Rennes, Keolis et Rennes Métropole se sont montrés volontaires pour mettre en place des actions de coopération permettant d’accompagner les opérateurs tunisois dans leurs projets. Un cadre reste à définir pour ces actions.

Une réaffirmation du besoin de coordination des projets

Pour que Tunis aboutisse dans la réalisation de ses projets billettiques et tarifaire, et ainsi assure la bonne mise en exploitation du RFR, des décisions doivent être prises et des actions initiées rapidement. Les échanges avec les acteurs parisiens et rennais ont permis de réaffirmer les recommandations faites durant les ateliers de travail à Tunis. Dans ce sens, il est apparu impératif d’accélérer la réalisation de l’étude d’intégration tarifaire qui donnera les grandes orientations du modèle tarifaire nécessaire pour le lancement de la billettique RFR et de désigner un directeur de projet « billettique et tarification » qui supervisera à temps plein une équipe technique travaillant sur les dossiers de billettique, d’interopérabilité et d’intégration tarifaire. De l’assistance à maitrise d’ouvrage (AMO) sur la billettique auprès des opérateurs est aussi apparue comme essentielle afin d’éviter les blocages dans l’exécution des projets.

D’autre part, la nécessité de rapidement mettre en place une Autorité Régionale Organisatrice de la Mobilité du Grand Tunis a aussi été rappelée afin d’assurer la planification de la mobilité dans l’aire urbaine du Grand Tunis. Une des missions prioritaires proposée pour cette autorité étant la gestion de la tarification et des systèmes billettiques, celle-ci devra alors intégrer l’équipe projet billettique et tarification constituée en amont. Pour ce faire, un comité interrégional pour l’organisation de la mobilité dans le Grand Tunis doit d’abord être constitué et présidé par le Ministère du Transport afin de prendre les décisions relatives à la création effective de l’autorité.

Une fenêtre ouverte sur les sujets de nouvelles technologies et d’information voyageurs

Le réseau de transport de Tunis souffre également d’importantes lacunes en termes de nouvelles technologies et de gestion d’information. L’information voyageur est correctement assurée par la SNCFT sur sa ligne de banlieue, mais elle est totalement absente du réseau urbain exploité par Transtu. Le réseau de bus dense et complexe ne propose par exemple aucune information aux arrêts, aussi bien sur les horaires que sur les lignes. De plus, l’absence de données actualisée ne permet pas à l’exploitant de disposer d’informations précises sur la fréquentation du réseau et ainsi améliorer son service en conséquence. Enfin, bien que membre de l’Open Government Partnership, la Tunisie ne dispose pas encore de plateforme Open Data sur les transports. Cette plateforme est pourtant incluse dans les projets de la seconde phase du plan OGP tunisien, inscrite sur la période 2016-2018, et un projet devra bientôt voir le jour.

Ces thèmes ont donc été également abordés lors de la visite technique, spécialement auprès des acteurs de la ville de Rennes, pionnière française de l’Open Data. Rennes Métropole et Keolis ont exposé à la délégation leur système de gestion Open Data ainsi que le fonctionnement de l’information voyageurs. Ces sujets peuvent représenter un cadre élargi pour des futurs projets de coopération décentralisé entre les deux villes.

 

Cette publication s’inscrit dans le cadre de la coopération technique CODATU en Tunisie. CODATU, l’Agence Française de Développement et le Ministère du Transport de Tunisie ont signé en février 2016 un accord de coopération technique visant à accompagner le Ministère du Transport de Tunisie dans la mise en œuvre des différents projets de mobilité urbaine, et l’amélioration des systèmes de transport public dans les grands centres urbains tunisiens.